J comme JOYEUX

«BORDEL ADMINISTRATIF»

Qui n'a jamais eu affaire aux plateformes téléphoniques, ces centres d'appels qui vous rendent totalement dingues avec leurs «tapez 1, tapez 2, c'est à vous de parler, exprimez votre question, tapez étoile, composez votre code à 10 chiffres, tapez dièse, désolé je n'ai pas compris votre message», pour au final vous entendre dire avant que l'on ne vous raccroche au nez :
«toutes nos lignes sont occupées, votre temps d'attente est de plus de 15 minutes, nous vous remercions de bien vouloir rappeler ultérieurement».

Il est vrai que lorsque l'on est malade, nous avons tout notre temps, mais que d'énergie dépensée pour rien ou presque.

Et lorsque finalement vous parvenez à obtenir un interlocuteur, il vous faut encore expliquer clairement votre demande, qui ne sera pas forcément prise en considération pour des raisons qui vous échappent complètement.

En effet, comment rester calme et agréable face à :

«Mais Madame la loi est la même pour tout le monde».
«Vous devez d'abord remplir le formulaire que vous pouvez télécharger sur votre compte, nous le retourner par courrier, les délais d'instruction sont de 3 à 4 semaines».
«Même si nous les avons déjà, ce n'est pas la même demande et il nous faut vos revenus pour 2022, vous devez les déposer dans votre compte en suivant le lien que je vais vous envoyer».

J'ai vécu dernièrement cette expérience fort déplaisante en tentant de joindre les services administratifs de la CPAM et de la CAF afin de régler un problème d'indemnisation.

Lasse de tourner en rond, d'obtenir des informations erronées et de me faire trimbaler de services en services, j'ai écris une lettre que je vous glisse ci-après et qui vous résumera bien la situation délicate dans laquelle je me trouvais.

Monsieur le Président,
Madame Brigitte MACRON,
Monsieur le Ministre de la santé et des solidarités,

Votre Gouvernement se dit à l'écoute des Français, résolument humain et désireux de ne laisser personne sur le bord de la route, aussi je me permets de vous adresser ce message, avec l'espoir un peu fou qu'il sera lu et surtout entendu.

J'ai 56 ans, je travaille depuis l'âge de 16 ans, et je n'ai jamais bénéficié d'un arrêt de travail, hormis pour mes deux congés de maternité.
Lorsque il y a une dizaine d'années, alors atteinte de la maladie de lyme, j'ai été licenciée pour raisons économiques, j'ai recherché un nouveau travail malgré mes nombreuses neuropathies et paresthésies au niveau des membres inférieurs.
J'ai accepté un emploi à mi-temps (à la campagne les offres ne sont pas légion) et afin de compléter mes revenus avec l'équivalence d'un temps plein, j'ai créé ma propre activité en auto entreprise.

Au mois de Juillet dernier, les médecins m'ont diagnostiqué un double cancer ovaire et péritoine.
Un carcinome silencieux et agressif, sans symptômes ou signes avant coureur, mais avec un traitement très lourd par chimiothérapie m'empêchant d'exercer toutes activités professionnelles.

Mes indemnités journalières pour la partie salariée sont de 11,71 € par jour et de 0 € (ZERO) pour la partie indépendant (je vous laisse le soin de faire le calcul du versement mensuel de la CPAM).
Un décret a bien été mis en place pour les indépendants ayant un revenu d'activité annuel moyen inférieur à   
4 093,20 €, par lequel il est possible de percevoir des indemnités pour maladie au titre de son ancienne activité salariée.
Mais étant polyactive, et percevant déjà une indemnité au titre de mon emploi salarié à mi-temps, je n'y ai pas droit.
Sur les conseils d'une assistante sociale, j'ai fait une demande de pension d'invalidité, celle-ci étant calculée sur les dix meilleures années d'activité, mais elle m'a été refusée car ma maladie n'est pas assez ancienne (moins de 3 ans).
La CAF vient de me notifier son refus pour le RSA (le niveau de mes ressources ne me permets pas de percevoir l'allocation).
Un dossier de demande d'AAH a été déposé à la MDPH, mais le délai d'instruction est de plus de 4 mois.

Lors d'une précédente intervention dans les médias, Monsieur VERAN soulignait qu'il était indécent de laisser vivre une personne avec 500 € par mois, et qu'il était nécessaire de l'accompagner vers la recherche d'un emploi.
Qu'en est il d'une personne qui n'a pas choisi d'être gravement malade au point de ne plus pouvoir travailler, et que l'on laisse vivre avec la somme de 363 € par mois ??? (je vous ai fait le calcul pour le cas où le versement mensuel cité plus haut vous aurait échappé).

Si je devais résumer ma situation, je dirais que :

- j'ai toujours travaillé mais PAS ASSEZ cotisé pour être correctement indemnisée 
- je souffre d'un cancer mais PAS ASSEZ ancien pour percevoir une invalidité
- j'ai peu de ressources mais je ne suis PAS ASSEZ pauvre pour toucher le RSA
- je suis en incapacité de travail mais PAS ASSEZ handicapée pour prétendre à l'AAH
Finalement peut être ne suis je PAS ASSEZ morte pour vous.

Bien cordialement.



Lorsqu'une chose est bien faite elle mérite d'être soulignée, contre toute attente, j'ai reçu une réponse de la part du Chef de Cabinet de la Présidence et ma situation a été débloquée en trois semaines.

Pour terminer, je vous livre une petite pépite, reflet de l'absurdité du système et d'un employé trop zélé.
Pour pouvoir débloquer le paiement de mon AAH, il me fallait par écrit le refus d'octroi de la pension d'invalidité, celui-ci m'ayant été signifié uniquement au téléphone, par le médecin conseil de la CPAM qui jugeait inutile que je vienne le voir puisque mon cancer n'était pas stabilisé.
Je pensais pouvoir obtenir rapidement ce document, mais c'était visiblement impossible pour la personne que j'avais en ligne.

«Madame, nous ne pouvons pas vous établir ce courrier, vous devez d'abord voir le médecin conseil de la CPAM, afin qu'il vous examine et puisse vous refuser la pension d'invalidité».

«Vous êtes donc en train de me dire qu'il me faut faire 80 kilomètres en voiture alors que je ne peux pas conduire, pour me présenter devant un médecin que j'ai déjà eu au téléphone et qui a refusé de me voir puisque je n'ai pas droit à cette pension ?».

«Oui Madame, ce sont les textes et si vous ne pouvez pas conduire, faites une demande de bon de transport pour un taxi».

J'ai finalement reçu le document, après un second appel et une nouvelle interlocutrice moins rigoriste.
Je pense surtout aux personnes malades qui ne sont pas aussi en forme que moi et qui par manque d'énergie et de courage, préfèrent renoncer, au risque de se retrouver dans des situations financières plus que précaires.

"Ah, mais j'demande pas l'impossible ! Ah non ! J'dis pas un gros cancer qu'on meurt avec et tout -
Ah non ! Un p'tit peinard. Remboursé par la Sécurité Sociale, mais un truc ou il faut quand même être courageux".
COLUCHE - Extrait du sketch "LE CANCER DU BRAS DROIT".

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